Qui peut solliciter une réunion extraordinaire du CSE ?

 

  • , 13 février 2019, n°17-27889 

Cette décision intéressera fortement les membres du Comité d’entreprise ou du Comité Social et Economique.

Bien que le Comité d’Entreprise se réunisse lors des réunions ordinaires périodiques, les textes prévoient la possibilité d’une réunion extraordinaire dès lors qu’elle est demandée à la majorité des membres du Comité (Article L.2325-14 du Code du travail).

Que faut-il entendre par « membres du comité » ?

La Cour de cassation vient préciser cette notion en excluant les élus suppléants, le représentant du chef d’entreprise et le représentant syndical.

Par conséquent, et cela est complètement transposable avec le Comité Social et Economique, si une demande de réunion extraordinaire est formulée, il convient de prendre en compte, dans le calcul de la majorité, uniquement les membres élus titulaires.

 

Anna Sorin

Élève-avocate

Comment le salarié peut-il apporter la preuve de la réalisation d’heures supplémentaires ?

 

  • , 13 février 2019, n°17-22368 

En matière d’heures supplémentaires, la charge de la preuve est répartie entre l’employeur et le salarié.

Pour autant, le salarié doit justifier de l’accomplissement de ses heures supplémentaires afin que l’employeur puisse répondre.

De quelle manière le salarié peut-il prouver l’existence d’heures supplémentaires ?

Dans cette décision, la Cour de cassation considère que la demande du salarié n’était pas assez étayée.

En effet, le tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires avait été établi pour les seuls besoins de la cause et n’émanait pas de sa main, le salarié n’avait jamais élevé la moindre protestation durant la relation de travail, et il résultait des bulletins de paie que des heures supplémentaires lui avaient été rémunérées.

Ce sont les éléments pris dans leurs ensemble qui ont permis à la Cour de cassation de rendre cette décision.

Dans ce type de contentieux, le salarié doit disposer d’un maximum d’éléments probants, tels que, agendas, plannings, décomptes hebdomadaires ou mensuels, attestations, échanges de mails…

L’employeur aura ensuite la charge de démontrer l’absence des heures supplémentaires invoquées.

Enfin, compte tenu de la prescription triennale en la matière, les salariés ont la possibilité de réclamer le paiement d’heures supplémentaires sur les 3 dernières années.

 

Anna Sorin

Élève-Avocate

Comment être certain, au départ de l’entreprise, que le salarié est libéré de sa clause de non-concurrence ?

 

  • Soc., 6 février 2019, n°17-27188 

La clause de non-concurrence est la clause par laquelle le salarié s’engage, en échange d’une contrepartie financière, à ne pas exercer d’activité concurrente à compter de la rupture de son contrat.

L’employeur a la possibilité de renoncer à cette clause au moment de la rupture du contrat.

Comment cette renonciation doit-elle se manifester afin que le salarié en soit libéré ?

La question est importante car le salarié doit savoir s’il est tenu au respect de cette clause.

Dans cette décision, il s’agissait d’une rupture conventionnelle ; dans la convention de rupture, il était précisé: « le salarié se déclare rempli de l’intégralité des droits pouvant résulter de la formation, l’exécution et la rupture du contrat de travail, et plus largement, de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties ».

La Cour de cassation a considéré que cette précision ne valait pas renonciation à la clause de non concurrence.

Elle précise que la renonciation par l’employeur à l’obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer.

Ainsi, le salarié, non libéré de sa clause de non-concurrence, a pu obtenir le paiement de la contrepartie financière auprès de son ancien employeur.

Par conséquent, il convient d’être vigilant sur la renonciation à la clause car si celle-ci n’est pas expresse, l’employeur sera tenu de verser la contrepartie financière.

 

Anna Sorin

Elève-avocate

La chambre sociale débute fort l’année 2019

Une bonne résolution pour la nouvelle année :

La sécurité juridique avant tout !

Statut protecteur :

  • Soc., 16 janv. 2019, n°17-27685 :

Il appartient au salarié, Défenseur syndical, qui se prévaut du statut protecteur lié à un mandat extérieur à l’entreprise d’établir qu’il a informé son employeur de l’existence de ce mandat au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, ou que celui-ci en avait connaissance.

En l’espèce, il n’était pas établi que l’employeur en ait été informé, au jour de la notification de la rupture de la période d’essai, par la Direccte.

Dans cette décision, la chambre sociale met le défenseur syndical sur le même pied d’égalité que les autres salariés bénéficiaires de mandats extérieurs.

Cela lui permet de transposer, au défenseur syndical, le principe, déjà établi, selon lequel, il n’y a pas de présomption d’information du mandat tirée de l’obligation de la Direccte.

Une telle décision, source de sécurité juridique, est bienvenue dans un monde de plus en plus incertains.

 

Rupture conventionnelle :

  • Soc., 23 janv. 2019, n°17-21550 :

En l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture.

Cette solution, venant limiter la remise en cause de la validité de la rupture conventionnelle, est bienvenue et permet d’utiliser ce mode de rupture avec davantage de sérénité.

 

Inaptitude

  • Soc., 23 janv. 2019, n°17-18771 :

Concernant les éléments de rémunération à maintenir dans le cas de la reprise du salaire à l’expiration du délai d’un mois, la chambre sociale exclut les indemnités de repas, de salissure et de remboursement de frais de transport correspondant au remboursement des frais engagés par le salarié pour exécuter sa prestation de travail.

La chambre sociale s’écarterait-elle de la définition de la rémunération donnée par la Sécurité sociale, qui comprends notamment tous les avantages versés à l’occasion du travail ?

En effet, il est légitime de s’interroger puisque les indemnités en litige sont liées à l’exécution du travail, aux conditions de travail ou à la situation de l’entreprise, et par voie de conséquence, font partie intégrante de la rémunération au sens de la Sécurité sociale.

 

Anna Sorin, 

Elève-avocate au Cabinet Rouxel-Chevrollier

Le référent “Harcèlement” prends du galon !

Nouveauté : Obligation de communiquer aux salariés les coordonnées du référent « harcèlement »

 

Entreprises avec CSE ou de plus de 250 salariés

 

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, promulguée le 5 septembre 2018, a renforcé le rôle du Comité Social Economique relatif à la prévention des harcèlements sexuels et des agissements sexistes.

En effet, depuis le 1er janvier 2019, le CSE doit désormais désigner un référent à la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, parmi ses membres, et cela, quelques soit l’effectif salarial de l’entreprise (Article L.2314-1 du Code du travail).

En outre, toute entreprise employant au moins 250 salariés doit désigner un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes (Article L.1153-5-1 du Code du travail).

Un Décret, publié récemment, intègre ces référents, aux autorités et services compétents en matière de harcèlement sexuel, dont font déjà partis, le médecin du travail, l’inspection du travail et le Défenseur des droits (D. n°2019-15, 8 janv. 2019 : JO, 9 janv. 2019).

Ainsi, l’employeur a dorénavant l’obligation de communiquer aux salariés, l’adresse et le numéro d’appel de ces référents, par tous moyens, dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche (D. n°2019-15, 8 janv. 2019 : JO, 9 janv. 2019).

 

Anna Sorin, élève-avocate au Cabinet Rouxel-Chevrollier.

La chasse à l’ubérisation continue : Au tour d’UBER !

 

Après les plateformes numériques de livraison de repas, c’est au tour de la plateforme de transport UBER de voir requalifier ses relations contractuelles en contrat de travail.

Cour d’appel de Paris, 10 janvier 2019

 

Point de départ symbolique de l’ubérisation, la Société Uber est notamment une plateforme en ligne de mise en relation entre des chauffeurs et des particuliers.

Il s’agit de chauffeurs non-professionnels utilisant leurs propres véhicules pour transporter des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains à des prix défiant toute concurrence.

 

La Société Uber avait, par le passé, déjà pu rencontrer des obstacles.

En effet, la ville de Londres avait, en septembre 2017, supprimé la licence d’exploitation d’Uber.

Puis, suite à une plainte espagnole, la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans une décision du 20 décembre 2017, avait pu estimer que le service proposé par Uber faisait « partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transports ». Ainsi, il était depuis impossible pour les chauffeurs d’opérer sans les autorisations et autres agréments requis par les règles relevant de chaque État membre.

 

Dernièrement, la justice française s’est positionnée sur la qualification de la relation contractuelle entre le chauffeur et la plateforme numérique.

Ce positionnement était d’autant plus attendu, qu’il fait suite à la décision du 28 novembre 2018 de la chambre sociale de la Cour de cassation, dans laquelle, la qualification de contrat de travail a été admise entre un cycliste livreur de plats à emporter et des plateformes numériques (Deliveroo, Take Eat Easy) [Voir article précédent].

 

La question se posait de savoir si le raisonnement de la chambre sociale pouvait être transposé aux chauffeurs d’uber ?

 

 

La Cour d’appel de Paris a répondu positivement à cette question.

Par un arrêt du 10 janvier 2019, elle a requalifié la relation contractuelle qui avait uni Uber avec un ancien de ses chauffeurs, en contrat de travail.

Il est constant, depuis la fameuse jurisprudence Société Générale, que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc. 13/11/93, n°94-13187).

 

La Cour d’appel de Paris a donc recherché l’existence de ces trois critères.

  • Elle a reconnu qu’il y avait, premièrement, un pouvoir de directive de la part d’Uber, en raison :
  • De la restriction des contenus de discussion avec les clients ;
  • De l’interdiction d’accepter des pourboires de la part des clients ;

 

  • Deuxièmement, un pouvoir de contrôle en raison :
  • Des relances d’Uber lorsque le chauffeur refuse 3 sollicitations ;
  • De l’impossibilité de choisir la course pour parvenir à la destination ;
  • De la géolocalisation des chauffeurs.

La juridiction a considéré, que le fait que la Société Uber empêchait la constitution d’une clientèle propre et fixait les tarifs de courses corroborait la caractérisation des pouvoirs de contrôle et de direction de la part d’Uber.

  • Troisièmement, un pouvoir de sanction en raison :
  • De la perte d’accès au compteur de chauffeur dès qu’un taux d’annulation fixé par Uber était atteint ;
  • De la perte définitive d’accès à l’application Uber en cas de signalements de « comportements problématiques ».

 

C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a relevé, pour la première fois, l’existence d’un contrat de travail entre un ancien chauffeur et la Société Uber.

Il serait surprenant que la chambre sociale vienne contredire cette décision, puisqu’elle emprunte la direction qu’elle a, elle-même, tracé s’agissant des plateformes numériques…

 

Anna Sorin, Elève avocate au cabinet Rouxel-Chevrollier

Premier revers pour les plateformes numérique de commande de repas…

Requalification de la relation contractuelle entre un livreur et une plate-forme numérique de commande de repas en contrat de travail

 

Depuis quelques années, un nouveau genre de cycliste parcoure nos grandes villes.

Ils arpentent les rues accompagnés de sacs à dos cubiques isothermes sur lesquels on peut apercevoir inscrit : « Deliveroo », « Uber eats », ou encore « Take Eat Easy ».

 

Ces cyclistes sont chargés de livrer, du restaurant au domicile du client, les repas commandés par ce dernier.

La différence avec les livreurs « classiques » de repas commandés est qu’ils ne sont pas salariés du restaurant dont le plat a été commandé.

 

Ces coursiers d’un nouveau genre ont un contrat de prestation de service avec des sociétés bien connues comme« Deliveroo », « Uber eats » ou encore « Take Eat easy ». Ces sociétés se traduisent pas une plate-forme numérique et une application permettant de mettre en relation 3 acteurs : les clients passant commande, les restaurateurs partenaires, et les livreurs.

Autrement dit, ces livreurs au statut indépendant vont chercher de(s) plat(s) commandé(s) au sein des différents restaurants partenaires de la ville pour les livrer ensuite au domicile du client.

 

La livraison de repas a donc, à son tour, été victime de l’ubérisation. La problématique qui a émergé par la suite est celle de la qualification de la relation contractuelle entre le coursier et la plate-forme. Bien qu’en l’espèce il s’agisse d’un contrat de prestation de service, il est admis de manière constante que la volonté des parties ou encore la qualification qu’ils ont attribués à la relation contractuelle les liant importe peu. Il revient au juge, si nécessaire, de la requalifier à la lumière des conditions de fait dans lesquelles est exercées l’activité du travailleur.

La question qui s’est posée en jurisprudence était ainsi de savoir si dans les faits, un lien de subordination liait le livreur à la plate-forme, de sorte que dans la positive, les deux parties seraient liés par un contrat de travail.

Il est constant que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc. 13/11/93, n°94-13187).

 

Il est intéressant de noter que la Cour d’appel de Paris par deux arrêts (CA Paris 20/04/17 et 09/11/17) avait tranché sur ce sujet en déboutant un livreur à vélo de sa demande de requalification en contrat de travail de sa relation contractuelle avec les plate-formes « Take Eat Easy » et « Deliveroo ».

La Cour avait justifié cette décision car premièrement, le livreur n’était pas tenue à une obligation de non-concurrence et d’exclusivité et deuxièmement, elle avait expliqué que le coursier était libre de :

  • Proposer ou non ses services ;
  • Choisir ses périodes de prestation (jours et horaire) sans être soumis à une quelconque durée du travail ;
  • Choisir la zone géographique dans laquelle il propose ses services mais également l’itinéraire pour livrer ;
  • Utiliser son propre vélo.

Pour ces deux raisons, le lien de subordination n’était pas, selon elle, caractérisée.

 

Pour autant, ce n’est pas la solution pour laquelle a  opté la chambre sociale de la Cour de cassation (Soc. 28/11/18, n°17-20079).

Par sa décision en date du 28 novembre 2018, elle a considéré que le lien de subordination était réel en raison de l’existence de pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction caractérisés par :

Tout d’abord, le fait que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant :

  • Le suivi en temps réel par la société de la position du coursier ;
  • La comptabilisation du nombre total de kilomètre parcourus par celui-ci.

Mais également, le fait que le salarié avait des pénalités en cas de manquement à ses obligations contractuelles (livrer avec un appareil motorisé, incapacité à réparer une crevaison, insulte à l’égard du client, absence de réponse à son téléphone pendant la période d’intervention, etc…), et aussi, des bonus (en raison du temps d’attente au restaurant ou en cas de dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers).

Ainsi, et au regard des faits de l’espèce, telle est désormais la position de la chambre sociale sur la qualification de la relation contractuelle entre un livreur à vélo et une plate-forme numérique de commande de repas : Il s’agit ni plus ni moins d’un contrat de travail.

 

Et si par aventure, certains pensaient invoquer la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 pour avancer une présomption de non-salariat à l’égard de ces coursiers, la Cour de cassation a d’ores et déjà fait barrage dans sa note explicative, en précisant que bien que le législateur ait esquissé une responsabilité sociétale de ces plate-formes numériques, en prévoyant notamment des garanties minimales pour protéger cette nouvelle catégorie de travailleurs, « il ne s’est toutefois pas prononcé sur leur statut juridique et n’a pas édicté de présomption de non-salariat ».

 

Anna Sorin, Elève avocate au cabinet Rouxel-Chevrollier

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